Toutes les plantes sont-elles bonnes pour les pollinisateurs?

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Plusieurs motivations peuvent guider nos choix au moment de la création d’un jardin. Si une de nos intentions est de créer un habitat favorable aux pollinisateurs, il est important de choisir judicieusement ses plantes. En effet, du point de vue d’un pollinisateur, toutes les plantes ne se valent pas.

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La coévolution

Comme mentionné dans un précédent article sur le sujet, la pollinisation a évolué comme un échange de biens et services. Les plantes offrent des ressources alimentaires précieuses (nectar et pollen), et en retour les pollinisateurs aident ces dernières à se reproduire.

Au fil de millions d’années de cohabitation, les plantes, les insectes et les autres organismes qui occupent un même environnement ont évolué en complémentarité ou en compétition les uns avec les autres. Les fleurs ont donc adapté leurs stratégies aux besoins des pollinisateurs qu’elles souhaitent attirer.

La spécialisation

Il arrive que certains insectes se délectent du nectar sans toutefois polliniser en retour. C’est un problème pour les plantes, car la production de nectar représente un investissement d’énergie considérable. Pour éviter ces situations, plusieurs ont modifié leur forme pour rendre l’accès au nectar plus difficile. Ainsi, certaines fleurs ont développé des tailles, formes et structures seulement accessibles à certains pollinisateurs spécialisés, qui savent les manœuvrer. Cette stratégie est d’autant plus avantageuse, car un pollinisateur spécialisé a plus de chance de visiter plusieurs fleurs de la même espèce et d’ainsi maximiser la pollinisation. 

Un des exemples les plus spectaculaires de la coévolution et de la spécialisation est l’étoile de Madagascar (​​Angraecum sesquipedale). En 1862, en voyant la longueur de l’éperon (prolongement de la fleur en forme de long tube, au fond duquel se trouve généralement un réservoir de nectar) de cette orchidée, qui peut mesurer entre 20 et 35 cm, Charles Darwin avait prédit qu’un pollinisateur avec une trompe d’une longueur équivalente devait exister. Toutefois, aucun organisme correspondant à cette description n’avait encore été observé à Madagascar. Ce n’est qu’en 1903, bien après le décès de Darwin, que fut observé Xanthopan morganii praedicta, un papillon sphinx correspondant à ces prédictions.1,2

Étoile de Madagascar, plante et pollinisation.
Étoile de Madagascar (​​Angraecum sesquipedale)
Crédit: sunoochi from Sapporo, Hokkaido, via Wikimedia Commons

Les plantes-hôtes

Plusieurs insectes et particulièrement les lépidoptères (papillons de jour et de nuit) se nourrissent d’une seule espèce ou famille de plantes durant leur développement. C’est notamment le cas de l’asclépiade pour le monarque, des ombellifères pour le papillon du céleri, ou des vignes pour le sphinx d’Abbott. Ces relations sont un autre exemple de coévolution,  s’étant souvent créées alors qu’une plante développe des stratégies pour se défendre contre l’herbivorie, en réponse auxquelles certains organismes évoluent également des adaptations afin de contourner ces défenses.

Lépidoptère du genre Papilio.
Lépidoptère du genre Papilio.
Crédit: Thomas Bresson, via Wikimedia Commons

Des plantes d’ici

On comprend donc l’importance de choisir des plantes originaires d’ici, indigènes, si notre objectif est de créer un habitat attrayant pour les pollinisateurs locaux. En plus d’être moins adaptées aux besoins de nos pollinisateurs, les plantes introduites (exotiques) peuvent aussi devenir envahissantes, c’est-à-dire qu’elles se propagent excessivement dans un écosystème au détriment des espèces qui le composent.

Les valeurs nutritives

Ce ne sont pas toutes les plantes qui sont aussi intéressantes nutritionnellement non plus. Certaines sont plus riches en nectar ou en pollen, et certaines en pas grand-chose. Les plantes pollinisées par le vent, par exemple, n’ont aucune incitation à produire des matières nutritives attrayantes. 

David Whelan, CC0, via Wikimedia Commons
Agapostemon qui récolte le pollen d’une rose sauvage
Crédit: David Whelan, CC0, via Wikimedia Commons

Par ailleurs, plusieurs cultivars sélectionnés par l’humain ont perdu tout leur attrait pour les pollinisateurs. C’est notamment le cas des variétés à fleurs doubles. Les pétales additionnels qui font leur charme sont généralement une mutation des parties reproductives, ce qui implique que ces fleurs sont stériles et ne produisent pas de pollen ou de nectar. Il existe aussi d’autres cultivars modifiés au point où leurs fleurs sont trop difficiles d’accès pour les pollinisateurs.3

Des choix qui se complètent

Au-delà des espèces végétales individuelles, il est aussi important de considérer leur complémentarité si on souhaite créer un environnement optimal pour une diversité de pollinisateurs. Pour satisfaire les préférences de plusieurs espèces, il est important de choisir des plantes avec des floraisons de différentes couleurs et formes, et réparties dans le temps.

Une diversité de fonctions

Même si certaines plantes ne représentent pas une ressource alimentaire particulièrement intéressante, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elles ne peuvent pas jouer un rôle précieux pour certains pollinisateurs. En effet, plusieurs plantes offrent aussi un lieu ou des matériaux de nidification essentiels pour que les pollinisateurs complètent leur cycle de vie

Portrait: Mégachile du Rosier

Mégachile du rosier et pollinisateur.
Mégachile du rosier (Megachile centuncularis)
Crédit: AfroBrazilian via Wikimedia Commons

Le mégachile du rosier (Megachile centuncularis) niche dans différentes cavités, notamment des tiges creuses, qu’il tapisse de petits morceaux de feuilles qu’il découpe. Bien qu’elle se serve des feuilles de différentes plantes, cette abeille, comme son nom l’indique, a un penchant pour les rosiers. L’adulte se nourrit principalement du nectar des chardons et des ronces, et collecte le pollen de plantes des familles des astéracées, fabacées et hypéricacées pour nourrir sa progéniture.4 On constate donc qu’une seule espèce peut bénéficier de la présence d’une diversité de plantes.

Un cadeau empoisonné

Bien sûr, une plante indigène et mellifère sera qu’un piège si elle est traitée avec des pesticides. Les pesticides les plus sournois lors de la création d’un jardin pour pollinisateurs sont probablement les insecticides systémiques. Ce type de pesticide, dont l’exemple le plus connu est les néonicotinoïdes, est absorbé par la plante et transféré dans tous ses tissus, et même dans son nectar et son pollen.

Par ailleurs, même certains pesticides qui ne visent pas directement les insectes, ou qui sont utilisés à des doses qui devraient être sécuritaires, peuvent malgré tout affecter les pollinisateurs. Le glyphosate par exemple, qui est pourtant un herbicide, affecterait les microbes présents dans le système digestif des abeilles et les rendrait ainsi plus vulnérables aux maladies.5 Aussi, l’utilisation de plusieurs produits en même temps peut créer un effet cocktail qui multipliera l’impact de chacun sur la santé des pollinisateurs.6

En conclusion

Pour créer des aménagements propices aux bien-être des pollinisateurs, il est donc essentiel de choisir une diversité de plantes, en priorisant les espèces indigènes et riches en nectar ou en pollen, et en évitant à tout prix les plantes traitées. C’est l’approche que prône Polliflora dans la création de ses jardins.

Polliflora © 2022 | Tous droits réservés
Photos : Charles-Olivier Bourque et Manoushka Larouche

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