Des abeilles pour tous les goûts

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Qui dit abeille, dit nécessairement miel… non ? 

Eh bien non ! Bien que l’abeille domestique soit connue et appréciée par les apiculteurs et toutes les dents sucrées, il s’agit de la seule abeille en Amérique du Nord qui produit vraiment du miel, parmi une diversité de plusieurs centaines d’espèces d’abeilles indigènes, envahissantes ou naturalisées.

Des abeilles, il y en a de toutes les couleurs… et de plusieurs tailles. 

Les poids lourds : pollinisateurs extensifs

Nos plus grandes abeilles dépassent l’abeille domestique en envergure : ce sont les bourdons (Bombus spp.), mais aussi l’abeille charpentière (Xylocopa virginica).

Les bourdons ressemblent beaucoup à l’abeille domestique dans leur cycle de vie : eux aussi s’organisent en colonie autour d’une reine, ont des ouvrières spécialisées et construisent des cellules avec de la cire. 

Au premier coup d’œil, les bourdons sont beaucoup moins impressionnants. Leurs colonies sont beaucoup plus réduites (quelques centaines d’ouvrières, comparativement à plusieurs dizaines de milliers pour l’abeille à miel), et plus désorganisées. Les bourdons ne se logent pas dans des rayons bien ordonnés, et construisent à la place des petits pots de cire les uns sur les autres.

Là où les bourdons brillent, c’est en pollinisant des fleurs dont le pollen est difficilement accessible pour les autres abeilles. 

Bourdon

Les fleurs de tomates, par exemple, ne se laissent pas polliniser par n’importe qui. Lorsque l’abeille à miel les visite, les grains de pollen restent fermement collés aux étamines et refusent de quitter la fleur.

Le secret des bourdons, c’est la pollinisation vibratile, dans laquelle ils excellent. Les butineuses agrippent fermement l’étamine entre leurs mandibules, puis se mettent à battre des ailes pour faire vibrer tout leur corps. En changeant l’angle de leur cou, elles peuvent contrôler la vitesse de vibration de l’étamine, jusqu’à atteindre celle qui va enfin déloger les grains de pollen de la fleur. En cherchant la bonne fréquence, les bourdons peuvent vibrer jusqu’à 310 hertz !

Les abeilles charpentières, quant à elles, sont si grandes qu’elles ont parfois de la difficulté à aller chercher le nectar des fleurs. Dans certains cas, elles y parviennent seulement en découpant un trou dans les pétales pour y glisser leur tête.

Les poids mi-lourds : spécialistes maraîchères

Abeille des courges

Dans les abeilles d’une taille similaire à l’abeille à miel, on retrouve des pollinisateurs particulièrement adaptés aux cultures maraîchères, comme l’abeille à tournesol (Svastra obliqua) et l’abeille des courges (Peponapis pruinosa).

L’abeille à tournesol emmagasine une quantité impressionnante de pollen sur ses pattes arrière et est un pollinisateur phénoménal pour les cultures de tournesols. Généraliste, elle peut tout de même se nourrir d’autres fleurs.

L’abeille des courges, elle, butine exclusivement des fleurs des citrouilles, melons, courges et potirons. À cause de spécialisation, elle est excellente dans ce qu’elle fait : elle se lève très tôt le matin pour visiter les fleurs et transporte les grains de pollen volumineux avec les longs poils de son thorax et de ses pattes arrière.

Les poids moyens : constructeurs de toute trempe

Osmie
Frank Vassen from Brussels, Belgium, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

Parmi les abeilles de taille moyenne, on compte des insectes qui se logent de manière créative. Les abeilles à miel construisent leur nid à partir de cire ? C’est peu original : beaucoup de nos abeilles indigènes utilisent de la boue, des feuilles ou même de la salive pour s’abriter.

Les osmies, appelées abeilles maçonnes, occupent des cavités comme des tiges creuses ou des trous creusés dans le bois par d’autres insectes. Pour y faire leur nid, elles vont récolter de la boue ou des petites roches pour façonner les murs de leur couvain.

Megachile

Les mégachiles, appelées abeilles coupe-feuilles, laissent dans leur sillage des feuilles d’arbres qui ressemblent à du gruyère : elles sont pleines de trous ronds ! Ces pollinisateurs découpent des cercles et des ovales dans les feuilles à l’aide de leurs mandibules effilées pour en tapisser les galeries dans lesquelles elles nichent. 

Les collètes, appelées abeilles cellophanes, ne récoltent pas de matériaux et utilisent directement leur salive pour solidifier les nids qu’elles creusent dans le sol. Leur glande spécialisée sécrète une substance qui, en séchant, ressemble beaucoup à du plastique. Imperméable et résistant à la moisissure, ce matériau biologique est étudié par les scientifiques comme alternative aux plastiques dérivés du pétrole.

Les poids-légers : joueuses d’équipe

Abeille de la sueur

On rencontre souvent des abeilles de petite taille, soit brunes, noir métallique ou vert émeraude : les abeilles de la sueur. 

Leur nom vient du fait qu’elles se posent parfois sur les humains pour y lécher le sel que contient notre sueur. Soyez sans crainte si une d’entre elles atterrit sur vous : bien qu’elles possèdent un aiguillon, ces petites abeilles ne piquent presque jamais.

Agapostemon texanus
Crédit : André-Philippe Drapeau Picard, Insectarium de Montréal

Les abeilles de la sueur ont un très bon sens de la solidarité. Il n’est pas rare qu’elles nichent dans le sol les unes à côté des autres. On observe parfois une répartition des soins parentaux entre ces voisines, qui possèdent chacune leur propre nid : certaines femelles s’occupent d’approvisionner les différents nids en pollen, alors que d’autres restent à surveiller le “quartier résidentiel” et empêchent l’entrée de parasites.

Certaines espèces forment même de très petites colonies d’abeilles, avec moins d’une dizaine d’individus et seulement deux générations. Dans ce cas, les premières abeilles à éclore s’occupent, avec leur mère, de leurs frères et sœurs fraîchement pondus.

Les poids-plumes : mères dévouées

Nos plus petites abeilles font moins d’un centimètre. Certaines d’entre elles sont particulièrement intéressantes par leurs soins maternels.

Les abeilles masquées sont des pourvoyeuses obstinées. Contrairement à toutes les autres abeilles qui butinent pour nourrir leurs jeunes, n’ont pas de poils sur leur corps pour collecter le pollen lors des visites des fleurs. Elles doivent donc, pour butiner, avaler le pollen et l’entreposer dans leur tube digestif. Ça fait beaucoup plus de travail ! 

Cette méthode laborieuse n’est pas non plus efficace pour la pollinisation, puisqu’elle ne résulte pas en des transferts de grains de pollen accidentels de fleurs en fleurs. 

Abeille charpentière
Daniel Schwen, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Les petites abeilles charpentières, quant à elles, se démarquent par l’attention qu’elles donnent à leurs jeunes après avoir récolté tout le pollen nécessaire à leur croissance.

Habituellement, les abeilles solitaires suivent un schéma assez rigide pour la création d’un nid. La femelle crée une cellule, pond un œuf, récolte assez de pollen et de nectar pour permettre à l’œuf de se développer jusqu’à l’adulte, érige une cloison pour fermer la cellule et passe à la prochaine, sans jamais regarder en arrière. 

La petite abeille charpentière, elle, construit le même type de nid, mais revient soir après soir pour s’occuper des larves. Elle doit donc, à chaque visite, défaire les cloisons les unes après les autres, puis les reconstruire en quittant. Ces soins d’hygiènes permettent de contrôler les parasites et les infections fongiques dans le nid.

Une biodiversité foisonnante

Au grand plaisir des entomologistes, la liste des abeilles ne s’arrête pas là. On pourrait continuer en parlant des abeilles cotonnières, des melissodes aux longues antennes, des andrènes printanières à la diète spécialisée, des abeilles coucous qui volent les nids des autres abeilles… Au total, 375 espèces d’abeilles ont été recensées dans la province de Québec, dont près de 192 qui ont été retrouvées spécifiquement sur l’île de Montréal. 

Quand on parle de préserver la biodiversité ou de protéger nos pollinisateurs, c’est chacune de ces abeilles uniques et précieuses qu’on défend !  

En assurant une source de nourriture et des sites de nidification, en éduquant les citoyen.nes à l’importance de ces insectes et en pratiquant une apiculture responsable, nous aidons tous à préserver nos pollinisateurs.

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Photos : Charles-Olivier Bourque et Manoushka Larouche

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