Avec l’été qui arrive tranquillement, vous aurez l’occasion de croiser de nombreuses abeilles. Vous rencontrerez sans doute l’abeille à miel, mais connaissez-vous les autres abeilles que vous pourriez observer?
Avec près de 800 espèces au Canada1 et 375 au Québec seulement2, il est possible d’en observer plusieurs différentes.
Voici quelques sortes d’abeilles communes urbaines (outre l’abeille à miel) que vous risquez de croiser au détour d’un jardin à Montréal et ailleurs au Québec.
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Les bourdons
On retrouve une vingtaine d’espèces de bourdons au Québec3, qu’on peut notamment distinguer les unes des autres par les couleurs des bandes sur leur abdomen.
Les bourdons sont les seules abeilles sociales indigènes en Amérique du Nord4. Elles vivent en colonies organisées selon une division des rôles. Toutefois, à la différence de l’abeille à miel, ces colonies sont annuelles et n’atteignent, au plus, que quelques centaines d’individus.
Les jeunes reines sont les seules à survivre à l’hiver, tapies à l’abri. Ce sont les premiers bourdons qu’on voit au printemps, particulièrement gros et voletant maladroitement en inspectant terriers abandonnés, souches vides et autres. Elles sont à la recherche d’un endroit convenable où établir leur colonie.
Une fois qu’elle aura trouvé, elle y fabrique des pots de cire qu’elle remplit de réserves de nectar et de pollen, et pond ses premiers œufs. Elle s’en occupe jusqu’à ce qu’en émergent les premières ouvrières qui seront en mesure de prendre la relève. La reine peut ensuite enfin se concentrer sur la ponte.
La colonie croît ainsi jusqu’à un certain point dans l’été où il devient temps de produire des mâles et des reines vierges. Ces bourdons reproducteurs quitteront le nid pour aller s’accoupler avec des individus d’autres colonies. En fin de saison, l’ancienne reine, les ouvrières et les mâles mourront et seules les nouvelles reines trouveront un abri pour tenter de survivre à l’hiver.
Les abeilles de la sueur (les halictidae)
Ces abeilles, assez abondantes, sont surnommées ainsi car elles sont attirées par notre transpiration, source d’eau et de minéraux pour elles. La plupart sont d’une couleur terne ou d’un noir métallique et peuvent passer inaperçues, mais quelques unes attireront votre oeil à coup sûr. En effet, des espèces comme Agapostemon virescens et Augochlora pura ont des couleurs vertes et bleues comparables à des joyaux.
Ces abeilles sont généralistes, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent d’une grande diversité de fleurs. Ce sont d’ailleurs parmi les plus petites abeilles capables de pollinisation vibratile, une technique de pollinisation essentielle pour certaines plantes mais que les abeilles à miel sont incapables de réaliser5.
Les abeilles de la sueur nichent principalement dans le sol. Curieusement, au sein d’une même espèce, certaines abeilles nichent seules alors que d’autres forment de petites colonies rudimentaires où elles se partageront les tâches. Il semblerait que ce soit, au moins en partie, dû à un facteur génétique6.
Les andrènes
Les andrènes sont aussi surnommées abeilles mineuses, car elles nichent dans des trous qu’elles creusent dans le sol. Bien que ce soit des abeilles solitaires, il arrive qu’elles nichent à proximité les unes des autres. Chez certaines espèces, les femelles partageront même l’entrée de leur nid, avec chacune son propre tunnel à l’intérieur, comme une colocation!
Il existe environ une centaine d’espèces au Canada7, et chacune a ses propres préférences. Plusieurs préfèrent les sols nus et sablonneux, mais pas toutes.
Pareillement, au niveau alimentaire, certaines espèces butinent sur une grande variété de fleurs alors que d’autres sont spécialisées, comme l’andrène des aubépines (Andrena crataegi) ou Andrena clarkella qui se concentre sur le saule.
Certaines espèces d’andrènes sont parmi les premières à sortir au printemps, notamment pour se nourrir de plantes aux floraisons hâtives comme le saule justement!
Les mégachiles
Vous verrez probablement des traces de leur passage avant de voir l’abeille mégachile elle-même: des petits ronds presque parfaits découpés dans les feuilles et pétales de vos plantes. C’est que les mégachiles, aussi surnommées abeilles découpeuses, ramènent ces petits morceaux végétaux pour en tapisser leur nid! Elles sont d’ailleurs un des seuls insectes qui peuvent transporter une charge au vol8. Elles nichent dans des cavités, principalement dans du bois mort, et peuvent aussi parfois nicher dans le sol.
Contrairement à plusieurs abeilles qui emmagasinent et transportent le pollen sur des structures spécialisées sur leurs pattes arrières, les mégachiles ont plutôt une sorte de brosse sous le ventre (abdomen) à cet effet.
Une des espèces de mégachile les plus communes au Québec est la mégachile de la luzerne (Megachile rotundata). Originaire d’Europe, elle a été introduite en Amérique du Nord dans les années 30 pour aider la pollinisation agricole, notamment des bleuets et de la luzerne9.
L’abeille est aujourd’hui naturalisée au Québec, c’est-à-dire qu’elle s’est bien établie chez nous et que des populations sauvages existent. Elle est toutefois toujours très en demande pour la pollinisation de diverses cultures, au Québec comme partout à travers le monde. C’est pourquoi cette abeille est élevée et vendue de manière commerciale. Il est possible d’acheter les jeunes abeilles alors qu’elles sont encore dans leur cocon de feuilles. Le Canada est d’ailleurs le plus important producteur et exportateur mondial de cette abeille10.
Les abeilles cotonnières
Dans la même famille que les mégachiles (les mégachilidés), on retrouve les abeilles cotonnières. La plus commune est Anthidium manicatum, qui a accidentellement été introduite d’Europe dans les années 60 et qui s’est depuis bien installée au Québec. L’espèce Anthidium florentinum a aussi récemment été observée en Amérique du Nord pour la première fois à Montréal même11.
Avec leurs mandibules, ces abeilles collectent le duvet qu’on retrouve sur certaines plantes telles que la molène ou les oreilles de lapin pour en tapisser leurs nids, qu’elles font dans des cavités préexistantes.Les mâles sont particulièrement agressifs (envers les autres pollinisateurs, pas les humains!). Ils protègent farouchement un territoire fleuri afin de réserver le nectar et le pollen pour de potentielles conquêtes. Ils chassent ainsi les autres insectes et même des petits oiseaux comme les colibris12. Si ce comportement a un impact négatif significatif sur les pollinisateurs indigènes, cela reste à déterminer.
Conclusion: une grande diversité d’abeilles
Connaître et comprendre nos pollinisateurs, leur cycle de vie et leurs besoins est la première étape pour apprendre comment bien s’en occuper (et les aimer!). Nous n’avons discuté dans ce texte que de quelques abeilles, mais la diversité de nos pollinisateurs, abeilles et autres, est exceptionnelle et mérite qu’on la protège. Découvrez notre approche pour protéger tous ces pollinisateurs et rejoignez le mouvement!
1 https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/abeille
2 Étienne Normandin, Entomologiste à l’Université de Montréal
3 https://espacepourlavie.ca/abeilles-guepes-et-bourdons
4 https://www.xerces.org/bumblebees/about
5https://mdc.mo.gov/discover-nature/field-guide/halictid-bees-sweat-bees
6 https://molbio.princeton.edu/news/sweat-bee-study-links-genes-social-behaviors-including-autism
7The Bees in Your Backyard, Joseph S. Wilson et Olivia Messinger Carril, 2015.
8https://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/megachiles
9 https://animaldiversity.org/accounts/Megachile_rotundata/#15289618d2e598efec7325ae43696156
10 https://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/abeille-decoupeuse-de-la-luzerne
11 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28286711/
12 https://ucanr.edu/blogs/blogcore/postdetail.cfm?postnum=15561